Buck D. --- Episode 2
Les portes claquent sur un air de Tango. Buck D, cette brute épaisse s'avance vers le comptoir, ses éperons grincent, il lui faudra les graisser un peu, pense-t-il, car ce bruit semble stresser sa monture. Notre cow-boy sanguinaire s'accoude au comptoir, et reste immobile un long moment, fixant d'un oeil torve l'alignée de Jack Daniel's, tout en remuant sa langue pâteuse dans cette cavité édentée qui lui sert aujourd'hui encore de bouche. Soudain, une connexion semble s'établir entre ses deux neurones : dégainant de la main droite, il tape du poing gauche sur le zing du comptoir, pousse sur sa jambe droite pour se relever, se prend la gauche dans le tabouret, et s'étale de tout son long, en émettant des jurons atroces tels que "raclure de bidet", non sans bien sûr vider son barillet dans le tout venant. Lorsqu'il parvient péniblement à se remettre d'applomb sur les deux piliers de chair pourrie auxquels Buck semble trouver un usage de jambes, c'est pour constater que le saloon est vide, en dehors de quelques cadavres. La vue de ces corps inertes éclaboussés de sang a l'effet habituel sur son psychisme attrophié : il part d'un grand éclat de rire, qui se transforme en beuglement, puis crache une dent (il lui en reste encore trois après celle là), refrappe sur la table de son poing droit tout en rangeant son pistolet dans son étui, manque de tomber mais parvient à se retenir in extremis au bord du comptoir. Il se formule en interne une note personelle : jamais plus de deux choses en même temps, à trois je tombe. Car oui, Buck cache un brin de sagesse dans une jungle de démence, et il tire toujours des enseignements -approximatifs- de ses expériences. Le temps que cette pensée parcoure les chemins abandonnés de son esprit, Juanito, l'esclave sexuel mexicain du tenancier de ce saloon a eu le temps de s'enfiler une bouteille de whisky et de trouver dans le fond le courage suffisant pour venir servir notre affable D. Ce dernier lui réclame calmement un tord boyaux, puis alors que le frêle Juanito s'en va le lui chercher sur ses jambes branlantes, Buck semble se raviser, le rappelle, flanque une énorme claque au malheureux garçon, et lui apporte la précision manquante : " V I T E " C'est alors que Juanito, complètement sonné par la claque, s'enhardit à lui expliquer que s'il n'avait pas été rappelé ça aurait été plus vite, ce à quoi Buck -qui est de bonne humeur et se sent prêt à discuter- rétorque : "et que fais tu du plaisir que j'ai pris à te frapper ? ça ne fait pas partie du service dans cette bourgade sauvage ?" Et puis finalement, comme il ne se sent pas de si bonne humeur que ça, il ressort son Colt et tire dans le petit doigt de pied de Juanito, avant de quitter le saloon dévasté à la recherche de tord boyaux plus accessible. Juanito mettra plus de 54 heures à se vider de son sang par le petit doigt de pied, et pendant tout ce temps il sera encore abusé à 18 reprises par le tenancier du saloon, qui ,lui, finira pendu haut et court après avoir été jugé coupable de ne pas avoir servi Buck D. assez rapidemment, et de l'avoir mis en rogne. Car effectivement, lorsque nous retrouvons Buck à la sortie du Saloon, il commence à être férocement contrarié.